Non tu ne sais pas mieux que moi ce qui est bon pour moi

Je sais.

J’ai grandi avec mon corps.

J’ai vécu tout ce que toi, tu n’as pas vécu en moi.

Même si toi aussi tu es ou a été [malade – hypersensible – dépressif/ve – insérez ici la neurodiversité ou le trouble de votre choix] ou si tu connais quelqu’un.e qui est aussi [idem], ça ne te donne pas magiquement l’expertise sur moi.

Que tu sois ma mère, mon frère, mon ami.e, mon ou ma compagne, mon prof, ma cheffe, mon médecin, ma ou mon psy, ne te donne pas le droit de décider à ma place si et quand je devrais faire ceci ou cela, si moi-même je ne me sens pas de le faire.

C’est à moi de décider si et quand j’ai la force de faire ce pas-là.

C’est à moi de décider ce que je veux faire de moi-même. Je n’ai même pas forcément besoin de ton aide, vois-tu, si je ne te la demande pas. J’ai besoin qu’on me laisse du temps, et de la liberté.

Il ne s’agit pas d’abdiquer. Je ne suis pas en train de me faire du mal. Oh non je ne suis pas en train de renier mes capacités. Je ne me replie pas. Parfois j’ai peur oui et je n’ose pas, et peut-être que j’oserai plus tard, et qu’est-ce que ça peut bien te faire que j’aille à un autre rythme que toi, que j’aie des peurs que toi tu n’as jamais connues.

Je sais ce qui est mauvais pour moi. Je sais ce que je ne veux pas. Peut-être que je le voudrai plus tard, mais ce n’est pas à toi de décider de si et quand, et ça reste donc que maintenant je ne le veux pas, je ne le PEUX pas.

Je sais ce qui est mauvais pour moi et souvent d’ailleurs, hélas, je le sais pour l’avoir déjà expérimenté malgré mon intuition négative là-dessus, expérimenté parce que des gens comme toi me poussaient à. Me disaient mais si. Me répétaient il faut se forcer. M’assuraient que mon angoisse était un caprice et que mon ressenti n’était pas réel. Je le sais pour ne pas m’être écoutée et je n’ai retiré aucune fierté de toutes ces choses faites sous la contrainte, quand moi-même je n’avais pas encore eu le temps de me dire que je voulais le faire.

Neuroatypiques, d’être différent.e.s et sensibles nous avons passé notre vie à nous remettre en question, à nous pousser au-delà de nos limites, à nous contorsionner pour nous « adapter » quand personne ne s’adaptait à nous ; nous avons passé notre vie à devoir faire confiance à machin et machine, au lieu d’apprendre à nous écouter nous-mêmes ; nous nous sommes cru.e.s foux-folles parce que tout le monde reniait nos émotions, nos ressentis, nos pensées, nos intuitions ; nous avons finalement découvert que nous nous connaissions nous-mêmes plutôt pas si mal que ça, mais souvent the hard way, à force de dépressions, ou burn-out, effondrements, crises de nerfs, troubles anxieux, traumatismes, tentatives de suicide.

Je peux te paraître trop précautionneuse. Tu as l’impression que je ne ferai plus jamais rien de nouveau, parce que je ne sors de ma zone de confort que pas par pas, en tâtant d’abord du bout de l’orteil si le chemin n’est pas trop glissant, en regardant déjà loin à l’horizon et non pas en y allant à l’aveugle, en faisant la balance des pours et des contres. C’est que j’ai trop de blessures pas encore cicatrisées, j’ai trop de morceaux de moi à vif que je ne peux exposer comme ça à l’extérieur. C’est que je ne veux plus m’user jusqu’au point de rupture, jusqu’à devoir attendre des mois pour me reconstruire, parce que ça, je l’ai déjà trop fait.

C’est à moi de décider, d’évaluer, d’oser ou pas, jour après jour, si ce travail, si cette sortie, si cette relation, si ce défi, si ça en vaut la peine, ou si juste je reste dans mon cocon. J’ai le droit de faire ce qui est bon pour moi, et qui que tu sois, tu n’es personne pour me critiquer du respect que je me porte.

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